C'est parce que tu n'entends pas mes soupirs. J'ai beau te regarder, chercher le contact de tes yeux, leur caresse sur les miens, rien ne vient. Et pendant cette danse défendue, parmi ces prétendants indignes, j'étais le seul à pouvoir prétendre être un jour ton autre toi, celui que l'esprit imagine mais que le bon sens rejette. Oui, ils prétendaient tous mais j'étais sincère, même pour un soir, même sans te comprendre. Si belle dans ton silence et tes airs amusés de mon admiration passagère, j'en ai retrouvé le calme des nuits solitaires des gorges du Verdon.
Et tandis que la boule accrochée au plafond poussait ses reflets impassibles dans une ronde interminable, comme des galaxies se poursuivant dans l'espace infini, tes longs doigts de brindille éphémère m'hypnotisaient jusqu'à annihiler toute conscience du temps.
Ton sourire entrouvre les portes d'un bonheur interdit.
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J'étais seul dans mes sentiments, et sentais cruellement l'absence de réciprocité de mes tourments. Mais cette "cruauté" n'était-elle pas un fragment de mon passé, une simple illusion ? Je m'étais habitué depuis bien longtemps à ces accès d'amour incontrôlés, ces coups de coeur temporaires et unilatéraux ; peut-être la tristesse de ces instants ne provenait que de la force de l'habitude d'un coeur usé. Pourtant la raison me dictait une conclusion différente : c'était au contraire le manque d'usage de ce coeur qui provoquait les bouffées de tristesse après ces rencontres avec des filles fantasmées comme réponses à mon jet-lag émotionnel.
Et j'attendais un coup de fil ou un coup de coude, n'importe quel signe d'elle qui puisse me donner de l'espoir, n'importe quelle folie à entretenir. Un frisson sur ses lèvres, une étincelle dans son regard, une caresse trop appuyée… Mensonges et trahisons intérieures : aucun "signe" ne m'aurait suffit pour accomplir cet acte fou : appuyer mes lèvres sur les siennes. Aucun violon n'aurait joué assez fort pour décrire les vibrations dans mon coeur, le chavirement de ma pensée, le retournement de mon monde intérieur.
You have to trust me when I tell you: I didn't know I wasn't invincible.