Les baisers ne se vivent pas : ils s'inventent. L'afflux de stimuli sensoriels sature la capacité de traitement du cerveau (des plus émotifs) - on peut vivre ou se souvenir précisément, rarement les deux. La mémoire fabrique les souvenirs, un mensonge à la fois. Nos baisers sont ainsi aussi réels que des rêves, ce qui laisse songeur.
Une décharge électrique réveille mes neurones qui en retour activent mes doigts. Je n'écris que pour des fantômes même pas morts. Pourtant mon sauveur finit par arriver : l'oubli. Qu'il soit factice ou sincère, le souvenir est encore plus éphémère que les serments.
Serrement de coeur.
Sincèrement, sers m'en donc un de plus. Tu vois bien que j'ai besoin d'un descendant (je n'ai pas l'outrecuidance de prétendre que l'alcool me remonte - "the plan was to drink til the pain over / but what's worse : the pain or the hangover?").
Tandis que les photos confrontent mes yeux à l'immatérialité de mon souvenir, que le temps creuse autour de ses yeux le fossé qui sépare mon fantasme de la réalité, et qui symbolise la distance tendant inexorablement vers l'infini entre nos existences, je frissonne. Dégoût de mon attirance pour les gouffres. Ce défi irrationnel : poursuivre des filles rationnelles et en réclamer la folie dont on ne se sent plus capable.
En accumulant des couches successives de mensonges et d'embellissement, je fore les croûtes de fiction et de déni jusqu'à toucher, au petit bonheur la chance, de fragiles révélations sur les briques élémentaires de ma personnalité. Sous le couvert de l'autre moi, d'une signature, aussi obscure soit-elle, je peux me dérober à ma surveillance implacable. Cachées sous des kilomètres de bric-à-brac, mes vérités se devinent à l'abri d'un champignon atomique de niabilité.