22 décembre 2009

Blanc

Elle a fait semblant de dormir en attendant qu'il parte. 
Ses yeux fermés doucement, elle a cherché quel rêve pourrait la transporter loin de cette pièce sinistre qu'elle nomme maison. Il y a dans sa tête des images d'étendues blanches sans début ni fin, où la neige assourdit tous les bruits et le froid engourdi les membres. Un désert polaire où l'on entend le vent respirer avec soi. Un monde qui pour les citadins n'offre que la survie, mais qui serait pour elle bien plus vrai que celui-ci. D'ailleurs, la "sur-vie", n'est-ce pas une vie supérieure à la nôtre? Une existence où ce stress que l'Occident se plaît à créer de toute pièce devient réel danger de mort, un jeu à balles réelles, plus une des ces parties de jeu vidéo capitaliste où l'échec n'est que partie remise. Il lui semble que la glace panserait ses plaies bien mieux que le soleil. Peut-on cautériser par le froid? 
Alors qu'elle allait s'endormir dans le Grand Nord, la porte s'est refermée sur ses illusions.

15 décembre 2009

Souvenirs de coeurs épargnés: E.

Cette nuit j’ai rêvé de toi. Nous nous serrions comme deux amis, mais très longuement. Puis j’ai voulu t’embrasser comme un amant. J’ai pris ton visage entre mes mains, et il y avait des larmes le long de tes joues. Je t’ai demandé si je pouvais t’embrasser. Tu t’es retournée pour cacher tes yeux rougis. Tu m’as dit que tu avais souffert trop longtemps d’avoir attendu ce moment, que ce n’était pas juste que je change d’avis, que je me décide maintenant. Tu m’as dit que tu avais peur. Tu étais si belle, et je sentais encore la chaleur de ton corps sur moi. Je suis revenu près de toi, j’ai caressé tes cheveux et je me suis penché tout doucement vers tes lèvres entr’ouvertes. Nous nous sommes embrassés, et désormais je ne veux plus sortir du doux brouillard qui m’entoure depuis ce matin. J’ai ton regard gravé sur mes rétines, comme lorsque l’on regarde le soleil pendant un instant et que les cercles rouges persistent même lorsque l’on ferme les yeux. Je sens encore le parfum de ta peau dorée, son goût de soleil et de sel dans le cou. Je frissonne au souvenir de tes mains fines parcourant mon corps, de tes bras serrant mon dos. J’aimerais te le dire, mais la pudeur me l’interdit, en tout cas c’est ce que mon ego veut faire croire. La réalité est plus simple et banale : ce rêve, je suis le seul à l’avoir fait. Toi, tu es loin, près de la mer et du ciel azur, la tête dans les nuages ou sur l’épaule d’un autre que moi. Et la confiance que les années nous procurent ne pourra jamais effacer les heures passées à espérer un mot, un regard, un contact accidentel de la plus jolie fille du lycée. La fille que l’on trouve belle devient toujours la plus jolie dans nos souvenirs révisés. Alors, malgré bien d’autres amours depuis, on se retrouve hébété un matin au réveil, rêvant encore de la farouche belle à qui l’on ne pourra jamais avouer nos envies.