23 décembre 2006

Hugo le parisien

A quoi reconnaît-on qu’une soirée est réussie ? Les chipsters semblent encore meilleurs que d’habitude.
Une bonne soirée peut vous faire oublier un tas de choses futiles et désagréablement persistantes : l’esprit de noël, une fille qui vous largue, un téléphone qui rend l’âme. L’avantage dans ce dernier cas étant que l’on n’attend plus désespérément d’appel de la fille susnommée. Ce qui est déjà beaucoup.

En partageant mes considérations avec Marissa (était-ce vraiment un prénom ?), j’ai remarqué que son chemisier s’ouvrait généreusement vers des contrées que j’eusse souhaité inexplorées. Sous la dentelle, une chair tendre mais ferme s’étendait, formant une sorte de parc d’attractions pour adulte consentant. Ses tétons auraient pu frotter l’intérieur de ma main, j’aurai caressé le galbe du sein avec douceur…comme 127 types avant moi. Pénible passé. Ma main a fait mine de se diriger vers son genou délicat, puis elle s’est levée. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y avait un lien de causalité. Pas farouche, mais pas facile non plus, l’Allemande. Après tout, je n’avais pas encore eu le temps de décider sous quel régime matrimonial nous nous serions mariés et quels seraient les prénoms de nos 3 enfants. Il n’y avait donc pas mort d’homme.

Marieke m’a rejoint prestement. Etais-je dans une soirée cosmopolite ou une chanson de Jacques Brel ? Je peinais à déterminer l’explication la plus plausible, le whisky jouant, lorsque j’ai senti un effleurement appuyé dans le bas de mon dos. Décidément, je ne comprenais rien à l’art de la séduction. Il me semblait pourtant plus logique d’avoir du succès avant d’être réduit à expérimenter les remous d’un canapé (qui ne bougeait pas il y a encore quelques heures). Bref. J’ai tenté de focaliser mon regard sur sa poitrine, mais je ressentais bêtement le besoin de voir ses yeux. Je l’ai laissé promener sa main – après tout je n’avais pas particulièrement d’objection à sa familiarité, et quelqu’un devait bien s’y coller. En l’espèce, il apparaissait crucial de parvenir à monter à l’étage, de trouver une chambre et l’imagination nécessaire pour bander. Le reste irait de soi. J’ai fermé les yeux un instant pour savourer l’instant (et laisser ses lèvres approcher).

Lorsque j’ai ouvert mes yeux, j’ai eu envie d’assassiner le light jockey : une lumière aveuglante envahissait le salon. Après une minute d’inadaptation, j’ai constaté que celui-ci était désert. Une autre minute a passé avant que je ne regarde ma montre. Une dernière m’a été nécessaire pour vérifier que je n’avais aucun souvenir de la veille. Marieke m’avait probablement violé sur le canapé avant de me laisser là, proie désirable offerte en pâture aux charognards. Ou alors elle était partie très vite après ma phase narcoleptique. Je penchais subtilement pour la deuxième hypothèse, étant un esprit d’une vivacité intellectuelle impressionnante, surtout à 10 heures un samedi matin.

Je me suis tenu à l’accoudoir afin de retrouver un peu de dignité (et une posture verticale), puis ait rassemblé mentalement mes affaires : une veste couverte de particules jaunâtre (mes amis les chipsters), une écharpe couverte de particules grisâtres (mes ennemis les cigarettes), et une bouteille de champagne rosé d’un cru prestigieux (sauvagement vidée et laissée pour morte au coin d’un fauteuil). Personne autour : mon honneur, ou au moins ma réputation, était sauf. Ne resterait plus qu’à pirater les blogs des connaissances qui publieraient les photos désobligeantes de mon triomphe, et le tour serait joué.

En sortant dans le parc embrumé de l’hôtel particulier, j’ai réajusté mon col et mon écharpe. Je me suis retourné vers la maison, ait pris une grande respiration pour éviter de vomir, puis suis reparti vers la grille. Dehors, le monde tournait. Cela ne m’a guère surpris, malheureusement.

Le sol gelé offrait une étendue blanche à mes yeux fatigués ; debout sur le muret longeant les quais, je tentais d’équilibrer mes pas avec mes bras comme balancier. A priori, j’avais donc bu plus que de coutume hier soir. Je me suis souvenu que plusieurs de mes camarades de promotion était morts de leur bêtise alcoolisée et suis redescendu sur le trottoir. Une vibration a secoué ma poche et m’a fait bondir : une minute de plus sur ce foutu muret, et j’étais bon pour un bain dans la Seine. Saloperie de whisky.

- Qui ose me déranger à une heure si indécente ?
- Bienvenue dans le monde de ceux qui bossent mon grand.
- Alexandre, sombre crapule.
- Bonjour mon cher Hugo.
- Tu me gonfles, Alexandre !
- Attends, ne commence pas où je t’éclate la tronche !
- Ah ah ah !
- Petite enflure. Bon, à part ça ?
- Ben tu viens quand même de me faire frôler la mort. Heureusement, j’ai plus d’esprit que toi.
- Quel dommage ! Enfin un fait divers que j’aurai pu épingler sur mon tableau d’honneur.
- Vous êtes trop bon mon cher. Mais que me vaut le désagréable plaisir de t’entendre avant même d’avoir avalé autre chose que ma salive ?
- Ta soirée s’est bien passé hier soir ? Enfin, c’est une question rhétorique, tu l’auras compris. Je regarde en ce moment même le film de tes tristes exploits sur le site de cet adorable Gautier.
- Parasite !
- L’argent procure trop de temps libre aux héritiers, que veux-tu… Cela dit, tu mérites amplement ces quinze minutes de gloire. Avec un peu de chance, tu seras repéré sur le net par… disons… un publicitaire travaillant pour le Valium ?
- Alexandre, je ne suis pas d’humeur pour ton humour.
- Ton élégance linguistique m’étonnera toujours.
- Get over it.
- Bon, je te laisse. Essaie d’arriver entier chez toi. Quoi qu'en fait je m’en tape complètement.
- C’est ça ! Allez, casse-toi, vieille buse.

La saison des pluies n’a pas encore frappé le ciel parisien. Les nuages nous foutent la paix pour quelques semaines encore, et j’en profite pour éviter le métro et ses tarés atteints par la température ambiante. Dans mes oreilles, du Prince cuvée 1982. Des synthés furieux électrisent mes oreilles et font bondir mes épaules en rythme (enfin j’espère). Je croise trop de jolies filles pour avoir honte : la prochaine sera toujours mieux. Le soleil rasant pourrait donner un air mystérieux au premier clone de Lolita Pille venu, mais je remarque que l’effet fonctionne aussi avec un labrador que j’aperçois attendant le bus. Précision : le labrador n’attendait pas le bus seul. J’ai vu son maître, je ne prends pas de drogue – enfin pas si tôt.

20 décembre 2006

Les clés d'or

Nous sommes lancés. L'allure, le pas, le flot de paroles : nos destins sont des dissertations dont le plan est déjà écrit. L'introduction peaufinée, il ne reste qu'à dérouler les arguments. Les clés ouvrent des portes dorées. Notre plus grande angoisse? Trouver une clé sans porte. Ne pas utiliser l'ensemble du trousseau. "Gâcher du potentiel". Nous ne rêvons plus, nous vivons le rêve. Les choses vont "de soi". Nous parlons peu, nous portons bien.

altitude princière

Sans accrocs
Sans efforts
Une grâce amère
Temps mort

Chaleur légère
Quand tu bois un verre
Du rouge sur les paupières

Chaleur qui monte aux joues
Des jeunes filles aux yeux froids
Je glisse vers leurs cous
A leurs corps défendants

Je prendrai ta main
Lorsque tu t'y attendras le moins
Je prendrai ta main
Entre deux lendemains


Cachée par ta frange
Du coin de ton indifférence
Frappée par l'allure princière
Du sang décadant

7 décembre 2006

L'amour s'écrit sur des nappes en papier
Autour de traces de vin
Rouge, si possible
On échange des textos
A voix basse
On accorde des restos
De guerre lasse

1 décembre 2006

avril 14th

Et puis j’ai compris en te voyant que le monde réserve autre chose ; bercé par des notes de piano cristallines, j’ai su à ton sourire que la beauté n’existe pas que dans les livres et les expositions. Entre deux respirations lourdes de conséquences, nos lèvres ont réduit les distances. Les fleurs flottaient à la surface de l’eau qui formait un miroir aquatique. Des chevaux dansaient autour de nous, et, à la lumière du jour, on distinguait des reflets de clair de lune. Ma voix s’est perdue dans le creux de ton oreille. Aspiré par l’attraction, subjugué par ton odeur, je me suis perdu dans ta chevelure, j’ai plongé dans ton cou frais comme un lit d’été. Derrière le petit muret de pierre, là où je t’ai rencontré il y a quelques vies, nos mains se sont accrochées. Les tiennes étaient un peu plus grandes que celles de l’enfant qui jouait du piano et me faisait languir, mais avaient la même douceur, le même goût de vie.

J’ai bu tes lèvres comme une solution miracle, j’ai serré ton corps porteur d’ailleurs. L’éternité suspendue à une mèche de cheveux balancée par le vent, ton pull qui se soulève pour me laisser entrevoir ton ventre. Au loin, des enfants qui rient et qui jouent ; en nous, des vies qui se font et rendent fous. Ivres de tes mots, des larmes de joie au bord des yeux, un peu trop de champagne, sublime perte de notion du temps. Dix ans et autant de mariages auront été nécessaires. Sans doute aucun ne fut-il de trop pour nous faire comprendre. J’avais longtemps séparé comprendre et faire, avant que cette petite fille ne nous prenne par la main. Poupée de cristal aux boucles d’argent, fée innocente belle comme notre enfant, apparition indéniable. L’évidence de son geste, la pureté de ses yeux, nos regards apeurés. Nous nous sommes promenés dans un champ de blés plus hauts que nous, peinant à distinguer le soleil des épis. Un instant, j’ai confondu ta nuque avec l’horizon, mais ce devait être la chaleur. Puis, comme elle était venue, l’enfant est repartie, laissant nos corps aux prises avec ce vide impossible à combler. Le temps était venu pour nos peaux de s’épouser après s’être frôlées, pour nos cheveux de s’emmêler après s’être effleurés. Il était temps d’aimer.