1 décembre 2010

Cristallisation anéchoïque du réel

L'air sec est d'un froid agréable. La lumière orange des lampadaires se diffuse comme le soleil d'été à travers un duvet molletonné, la diffraction des ondes donne envie de dormir. Les bruits flottent, légers, éthérés. C'est un monde ouaté, d'apparence tranquille, réconfortante, trompeuse. Une chambre anéchoïque mortelle où "personne ne vous entendra crier"... D'abord les corps, doucement, sournoisement, les membres plongeant dans un sommeil éternel. Confortably numb. 

Si l'on y survit par des ruses de sous (qui achètent manteaux, écharpes et maisons protectrices), alors le sinistre manteau blanc tombe comme une stèle de marbre sur l'esprit. Son calme et sa sérénité, sa nature même de canevas vierge nous plongent dans le souvenir et l'envie. Envie de page blanche où écrire une suite meilleure au début de son livre, envie d'effacement des dettes de coeur contractées. Un désir furieux de tristesse et d'espérance. C'est une apesanteur du réel dont la gravité plaque au sol, sur une terre gelée et indifférente. C'est la quintessence de la beauté implacable, du sublime fatal, une magnifique dionée attirant par ses charmes les proies qu'elle dévorera sans l'ombre d'un remords. 

Enfin, c'est une excuse de plus, une excuse comme une autre pour penser à ce qu'on s'était juré d'oublier. La joie enfantine déclenche une vague de naïveté dont les soubresauts déverrouille les portes condamnées, celles où gisent des histoires de beautés cruelles pires que les pires contes de Barbe-Bleue.

Les enfants n'osent pas ouvrir le placard en face de leur lit, et préfèrent imaginer les monstres qui s'y cachent, car au fond ils se savent en sécurité. 
Nous préférons enterrer nos peurs que les affronter, car lorsque nous osons à nouveau ouvrir la porte, ce n'est pas le néant mais un torrent de larmes sèches qui nous attend.