28 avril 2011

Accumulation des silences

Les livres contemporains sont le reflet de la vacuité de notre époque. Il n'y a plus de vies héroïques, même pas de vies romanesques, alors nous n'avons plus la force d'en inventer. 
Et cette violence qui étend son emprise, preuve irréfutable de la débilité croissante, car la violence sous toutes ses formes demeure la seule arme des faibles... 

Je ne veux pas m'occuper de quiconque, j'ai déjà tant à faire avec moi, et si chacun s'occupait davantage de lui plutôt que des autres, nous retrouverions un peu de paix. 
L'altruisme, une illusion dangereuse. 
La générosité n'existe pas, elle n'est qu'une vanité, une flatterie de nos ego morbides. Que chacun regarde en soi plutôt que chez les autres, qu'il veille à son bonheur au lieu de forcer le sien ailleurs, et nous irons tous un peu mieux. Live and let live. Contre les gouvernements, contre les règles, contre la morale qui a toujours un siècle de retard dans ses jugements et un d'avance dans ses horreurs. Humains, ôtez-vous de mon chemin. Tenez le vôtre, il est bien assez large comme cela. 

Rêve d'une vie silencieuse, éveillée, désenclavée. 

25 avril 2011

200

Il mangeait en italien devant l'Adriatique céruléenne - pluie de lumière sous les paupières, confettis de joie sur les papilles, une joue bronzée tournée vers le clocher de pierre calcaire. La chanson éternelle de l'eau roulant sur le sable jouait au rythme des grillons frottant leurs ailes séchées par le sirocco roucoulant depuis l'Afrique. 

Une perfection s'additionna à l'ensemble idyllique : longue plante aquatique au regard vert, flottant sur le chemin descendant de l'église, une main caressant le parapet de pierre protégeant du précipice. Elle vint s'asseoir auprès de lui. Il s'allongea. Au bord de ses dents elle apportait l'eau dorée des raisins fermentés, délicate ivresse marine à bord de la barque chaloupée des hanches brunes d'une hellène altière. La tête posée sur l'origine du monde, les yeux levés vers l'astre de vie, son coeur accéléra pour rejoindre celui de l'apparition séraphique.

Que pouvaient-ils se dire ? Rien qui ne rompe l'envoûtement. Des sons chuchotés, des gourmandises littéraires, souffles lents au détour du cou. Silence somptueux dont le partage dépasse toute conversation. Lyrisme de la présence immobile, mirage d'éternité, songe éveillé. Très loin dans ses yeux on pouvait voir la couleur de galaxies lointaines ; auprès d'elle l'univers devenait sien. Sans un mot elle vint cueillir un baiser sur sa bouche : mentons effleurant le nez, monde renversé, fraîcheur des langues reposées. Lorsqu'elle se releva de quelques centimètres pour lui sourire, ses dents lui parurent aussi irrésistibles que des grains de maïs à la blancheur polaire. Il aurait voulu lui mordiller pour tenter de satisfaire son envie de cette partie d'elle. Mordre ses dents, lécher sa langue, embrasser sa bouche : prélude. Renaissance du désir. Besoin impérieux de la posséder. Assouvir l'envie, en redevenir l'esclave pour quelques heures.

Il prit sa main et se leva.