28 août 2006

Sans commentaires

« Rien de moins naturel que l’estime de soi. Ou que l’amour pour ce que ça vaut. »
Elle était plutôt sûre d’elle. Sincèrement, je ne pouvais pas la contredire. Y a qu’à voir les beaufs, les bœufs, les brutes. Les zigouillés de la cervelle, les amputés du ciboulot, les tâches, les tâcherons et les diminués cérébraux qui nous pourrissent la vie à la moindre occasion. Tout rassemblement excédant trois personnes est fatal. Les champions parviennent même à être casse-couilles à deux. Bref, l’abruti, est-il besoin de l’expliquer une fois de plus, est un petit être tout chétif à l’intérieur. C’est pour ça qu’il agite ses gros bras, qu’il brasse de l’air avec son claque-merde et qu’il s’agite pour remplir l’espace autour de lui (de préférence une surface assez vaste, stade, salle de concert, supermarché). Tout ça pour prouver qu’il existe, pour extérioriser ce vide dans sa grosse tête, parce que trou béant est terrifiant et qu’il vaut mieux l’imposer aux autres que le supporter seul.

Le benêt, le demeuré, en résumé le lourd, s’apparente de prime abord à l’animal, mais je ne crois pas à la pertinence de cette vision. Un animal n’est pas limité ; un animal réagit « bêtement » (ces réflexes acquis suite à des milliers d’évolutions successives pour s’adapter à l’environnement sont tout sauf stupides), sans intention de nuire ou d’emmerder ses congénères. Il n’a pas le choix, c’est tout. C’est un être d’instinct, par opposition à l’espèce supposée intelligente. L’être humain lourd demeure impardonnable.

23 août 2006

"Ouaip, mon général"

«Comme quoi les mots, hein les mots, les mots ça dit rien, mots dits, vous êtes maudits»

Le général n’était pas content. Il fallait le comprendre, le pauvre homme bégayait tout seul depuis 14 ans dans un hospice ensoleillé du mouroir à vieux (la Côte d’Azur).

« me foutre en asile de vieux, mais franchement, tu m’as regardé petit ? enfin c’est pas une fin ça, on n’a pas idée, un homme comme moi, oh c’est pas vrai »

Je savais pas quoi lui dire au général. Il avait sans doute raison, si ce n’est que lorsqu’on pisse dans son falsard quatre fois par jour faut pas s’étonner de plus être invité dans la famille.

« une génération de plus perdue dans le siphon, je vous regarde tourbillonner au fond de ma baignoire, parasites »

Il avait ses phases, papi. Oh, un vieux parmi d’autres. C’est un peu comme les bébés : ils se ressemblent tous. C’est curieux, on passe sa vie à essayer de se départir de la ressemblance de l’enfance pour finir tous identiques. Une démonstration de plus de la vanité de nos efforts, de l’inutilité de notre quête.

« je veux qu’on me foute la paix maintenant mon garçon, tu comprends ça toi, hein ? je t’ai pas connu beaucoup mais je te ressemblais pas mal quand j’avais ton âge »

Oui mon petit vieux, je comprends. Si on doit faire un léger bilan, je comprends un peu trop d’ailleurs. A force de jouer les ténébreux solitaires, j’en avais vu passer des amis. Généralement, je les voyais de dos. Ils partaient.

« de toute façon, on est seuls jusqu’au bout, faut pas croire que ça change avec l’âge, oh non »

Cet espoir-là de toute façon, je l’avais brûlé en même temps que les lettres d’amour de ma première déception. Je n’en doutais pas, la fin serait lugubre, chaotique, mais prévisible. Avec une paire de Ray-Ban sur les yeux. Frondeur et arrogant. Mes derniers mots ne seront pas plus tendres que les premiers.

14 août 2006

Esprit es-tu là?

Trois heures du matin dans la tête d’un trentenaire bourré : le vide. Vacuité explosée d’une vie inutile, réactions en chaîne pour chaîne en or sur chemise ouverte. Dans le cœur pur d’un arrangement de violons se trouve la négation absolue de l’existence des bœufs humains. Ils sont justes un peu plus vieux, on les voit bien avant cela, tout autour de nous. Comment être cohérent dans une existence qui apporte à la fois la finesse et le raffinement des mots et mélodies de Serge Gainsbourg, époque « Percussions », et l’ignorance crasse de pantins pathétiques condamnés à sortir jusqu’à leur mort dans des endroits aux relents d’agonie intellectuelle et de cigares d’apparat ?

Les heurts de la fumée de cigarette cabossent mon esprit attristé. Je devrais contacter Charlie Kaufmann pour écrire un scénario qui s’appellerait « Inadaptation ». Assez intelligent pour réprouver les comportements bestiaux, pas suffisamment pour ne pas se laisser atteindre. Assez intéressant pour garder un temps l’attention une fois découvert, pas assez pour parler avec sa famille ou avoir des amis plus de quelques mois. Assez sociable pour avoir envie de connaître d’autres personnes, pas assez pour rendre ce désir concret.

Quelque part au fond d’un piano-bar gît l’espoir « d’être à la hauteur ». Non, je ne cite pas Marc Lévy – quelle attaque facile. Là où la bêtise l’a emporté sur la lucidité, là où la fierté a laissé place à l’amertume, là où le beauf a vaincu l’auto-proclamé intellectuel (je n’assume pas ce titre que je me décerne ; on ne peut pas toujours être cohérent dans ce monde, voir paragraphe précédent), là j’ai renoncé une fois de plus à un morceau de moi. Sur le carreau, un bout de chair sanguinolente. Dans un regard, une cicatrice à ajouter aux stries de l’iris irisé. Sous une peau frissonnante, les battements de cœur fébriles des certitudes ébranlées. Prendre conscience du basculement possible, à portée de main, peur intangible accrochée à mes rêves. L’esprit est parti en voyage, laissant ses conséquences dans l’urgence. Banale histoire de fantômes d'une jeunesse disparue dans les volutes et les vomis d'années entières irréfléchies.

Cessons de brosser le tableau noir,
la craie indélébile gâche mes efforts volubiles.

8 août 2006

Nietzsche - "Le séducteur involontaire" (in Le Gai Savoir)

Pour passer le temps, il a lancé une parole en l'air,
Et pourtant, à cause d'elle, une femme est tombée

5 août 2006

Après tout

Après tout, porter des dreads de 70 centimètres de long et servir dans un bar branché de la capitale est aussi une forme de réussite sociale. Complètement dans la coolitude, tu dis franchement fuck au système et à la société capitaliste en servant des cocktails à 9€, je trouve. Après tout même les gens qui n’ont pas de goût ont le droit de connaître les singles des artistes majeurs de cette fin de siècle (quelle fâcheuse habitude, je ne me fais pas à l’idée que le siècle débute ; j’aurais préféré m’inscrire dans une fin que dans un début. Cela aurait eu le mérite d’être cohérent). Après tout pourquoi seules les belles filles auraient le droit de se mettre à moitié à poil pour aller danser en boîte de nuit ? Les grosses moches également y ont droit. Après tout, on peut très bien écrire un texte sans profondeur en écoutant Evolution de Gil Scott Heron. Les choses ne changent pas en écoutant la révolution spirituelle de Gil, pourtant la magie opère. Après tout on peut toujours laisser des commentaires sur le blog d’un génie en imaginant que cela nous associe d’une manière ou d’une autre à lui. Ça vaut toujours le coup d’essayer.