15 juillet 2009

Elle

Tu as envie de l’aimer pour caresser ses mains. Tu te mens doublement : en utilisant « aimer » à outrance, et sur ce que tu veux caresser; disons qu’il s’agit d’une omission: ses mains oui, mais le reste aussi.
Tu imagines ses pieds aux courbes parfaites parsemés de grain de sable qu’elle tente de faire tomber en remuant paresseusement les orteils. Tu ne sais plus de quoi tu capable (soumission, séduction, oubli). Vertige de l’inconnu familier. C’est la proximité de sa peau dorée qui te rend heureux et misérable à la fois. La même histoire, encore et toujours, se répétant à l’ infini. La jolie fille, l’hésitation, la frustration, et puis rien. Ou alors tout : fous rires, baisers, cris, pleurs, promesses. Les listes ne t’amusent plus. Elles ne définissent rien et décrivent encore moins. Tu es fatigué. Tu as suffisamment gouté au bonheur pour savoir que tu en rates trop. Difficile de croire que tu as 35 ans, même si on t’en donne 5 de moins par clémence pour ta laideur. Combien en as-tu connu, de ces Aphrodite éphémères? Combien sont passées sans ne rien provoquer qu’une inaction teintée de regret? Et pour toutes celles-là, combien de sottes, de vaines, d’inutiles?


Et pourtant, si c’était autre chose?
[...]

ST '67

Il plisse les yeux pour ne laisser entrer qu’une fine bande de lumière et la regarder en cinémascope. Il la voit comme en film, mais au cinéma on est dérangés pas l’odeur de popcorn, tandis qu’ici c’est l’huile de monoï qui parfume l’atmosphère. Elle glisse le long de sa cuisse un doigt interrogateur, évaluant la température et si elle nécessite un rafraichissement. L’absence de vent la décide à se lever et elle s’éloigne comme un chat paresseux qui oserait tremper ses pattes dans l’eau. Les orteils entrent distraitement, suivis par les chevilles, mollets, cuisses. Arrivée en haut de la taille, elle se retourne et plonge dos à l’eau; pendant un instant, le liquide s’écarte de son corps et un instantané révélerait la façon dont sa chair pousse le bleu autour sans en être touché. Des vagues s’écrasent mollement contre les rebords. Au sortir, luisante dans sa seconde peau aquatique, elle penche la tête en arrière en prenant ses cheveux a deux mains pour en essorer l’eau. Brigitte brille, le soleil aussi.

3 juillet 2009

Faim de cous

Sourire.
Quand il la voit pour la première fois, c’est tout ce qu’il peut faire. Il adore ce genre de filles, celles qui vous donnent une irrépressible envie de bonheur, et un plaisir si fort qu’il s’affiche en grand sur votre visage. Tant et tant qu’on voudrait leur arracher le cœur : « Je vous l’emballe ? Non, c’est pour manger tout de suite. »

Mots roses

Il vaporise des gouttelettes sur les pales de son ventilateur portatif. Ca lui rappelle les brumisateurs d’eau minérale naturelle que l’on s’arrachait à la fin des années 90; il se demande ce qu’ils sont devenus et si quiconque oserait encore s’afficher aujourd’hui avec de tels affront à l’environnement. José Bové ne se gênerait pas pour vous regarder de travers, c’est sûr.

L’air statique de son bureau accentue sa léthargie chronique. Il mange des cachets d’aspirine pour passer le temps et ses nerfs. Il parait que ça réduit les risques de crise cardiaque, ce qui n’est pas le moindre des luxes pour un hyper-tendu qui se nourrit comme un enfant de 7 ans livré à lui-même dans les allées d’un hypermarché après fermeture. Sa copine veut s’installer dans un meublé. Il fait craquer ses phalanges. Il écrit un email de réponse puis l’efface pour ne pas l’envoyer. Il se souvient comment c’était avant elle; ou essaie. Il a pris 10 ans et 10 kilos en 12 mois : peut-être un signe.

Sa secrétaire est à genoux sous son bureau en train de ramasser des trombones qu’elle a fait tomber. Il a songé un instant à sa vie si la fin de cette phrase était différente. Des ennuis, principalement. Sa médiocrité éclairée a toujours été une faille majeure de sa personnalité, un frein naturel à l’avancement, un appel aux chieuses.