21 juin 2006

"Here Comes The Sun King"

« À toi vont les mots les plus beaux »

Je t’élirai reine de beauté, mais mon amour n’a rien de démocratique. Bien plus intransigeante est sa portée. Je veux réparer les blessures dans nos cœurs jumelés. Essuyer sur tes joues les larmes du passé, effacer tes tendresses déçues. Je m’assieds et le soleil avec moi. Ensemble, nous parlons de toi. Il me raconte ta naissance, sa joie d’avoir été là. Il me dit que ton pays est l’un de ses préférés, qu’il n’aurait pas pu te manquer. Devenu un peu rouge, il me parle de ton visage ; de la façon dont il brille pour que tu sois encore plus jolie. L’astre s’embrase et transforme le ciel tandis qu’il m’explique comment il prolongeait son séjour chez toi de quelques minutes certains soirs, juste pour pouvoir t’observer encore un peu. Tes journées à courir ton immense univers de petite fille, cette sueur naissante sur le front. Les épopées incroyables sur des chevaux si fiers de te porter. La tête qui sillonne la forêt, les épaules moites de chaleur tropicale. Ton sourire. Il m’explique ses larmes lors de ton départ pour cet autre endroit. Comment il a refusé de se montrer pendant des jours entiers, sans que personne ne comprenne pourquoi. Ses soupirs de dépit créaient tous les nuages qu’il fallait pour le dissimuler. Puis les gens se sont vraiment inquiétés, alors il s’est montré à nouveau. Bientôt, il t’avait retrouvé dans ta nouvelle maison. Jamais le Sud n’avait autant brillé : la sécheresse a pointé le bout de son nez. Peu importe, le soleil ne pouvait pas se passer de toi. Chaque jour l’aurore s’avançait, chaque soir le crépuscule s’attardait.

Enfin l’heure vint pour lui de disparaître. Ses rayons allaient caresser d’autres visages ailleurs : le soleil n’est pas fidèle stricto sensu, juste sincère. Luxe que lui seul peut se permettre, même si tant d’autres croient pouvoir l’imiter.

Quelques pas le long de la corniche pour une dernière inspiration, et je rentre chez moi. Arrivé devant l’immeuble imposant, je compose le code d’entrée. Une fois dans l’ascenseur, je me souviens avoir laissé mes clubs sur le toit. Je me glisse donc dans la lucarne du dernier étage pour grimper là-haut. Après ma période d’arrêt habituelle devant le spectacle saisissant, je prends mon fer numéro 7 et une poignée de balles en mousse. Je vise la mer, tant pis si elle est trop loin. Il me semble voir toutes les balles disparaître en elle. Et là-bas, sur la colline, je peux presque distinguer ton visage, comme dans une publicité. Je visualise ton image superposée sur les arbres millénaires, ton portrait s’affiche en 400 par 300. Soudain, c’en est trop, le ciel s’arrange pour devenir orange, Belle & Sebastian chante un texte hallucinant sur un renard dans la neige. Je me demande s’ils prennent de la drogue ou si j’écoute de la poésie, tout simplement. Sans doute un peu des deux. J’ai appris tout ce que je sais par la musique ou la littérature. Je suis une sorte d’usurpateur de sentiments. Je me demande parfois quelle part de moi participe à mes amours, et quelle part de roman il y a.

Quelques gamins poussent la balle sur le terrain de foot en bas. Leurs rires et leurs chamailleries me parviennent dans un accès de bons sentiments. C’est un peu dégoulinant, pourtant j’apprécie toujours le cliché lorsqu’il sait arriver à point. Tout est question de moment.