1 décembre 2006

avril 14th

Et puis j’ai compris en te voyant que le monde réserve autre chose ; bercé par des notes de piano cristallines, j’ai su à ton sourire que la beauté n’existe pas que dans les livres et les expositions. Entre deux respirations lourdes de conséquences, nos lèvres ont réduit les distances. Les fleurs flottaient à la surface de l’eau qui formait un miroir aquatique. Des chevaux dansaient autour de nous, et, à la lumière du jour, on distinguait des reflets de clair de lune. Ma voix s’est perdue dans le creux de ton oreille. Aspiré par l’attraction, subjugué par ton odeur, je me suis perdu dans ta chevelure, j’ai plongé dans ton cou frais comme un lit d’été. Derrière le petit muret de pierre, là où je t’ai rencontré il y a quelques vies, nos mains se sont accrochées. Les tiennes étaient un peu plus grandes que celles de l’enfant qui jouait du piano et me faisait languir, mais avaient la même douceur, le même goût de vie.

J’ai bu tes lèvres comme une solution miracle, j’ai serré ton corps porteur d’ailleurs. L’éternité suspendue à une mèche de cheveux balancée par le vent, ton pull qui se soulève pour me laisser entrevoir ton ventre. Au loin, des enfants qui rient et qui jouent ; en nous, des vies qui se font et rendent fous. Ivres de tes mots, des larmes de joie au bord des yeux, un peu trop de champagne, sublime perte de notion du temps. Dix ans et autant de mariages auront été nécessaires. Sans doute aucun ne fut-il de trop pour nous faire comprendre. J’avais longtemps séparé comprendre et faire, avant que cette petite fille ne nous prenne par la main. Poupée de cristal aux boucles d’argent, fée innocente belle comme notre enfant, apparition indéniable. L’évidence de son geste, la pureté de ses yeux, nos regards apeurés. Nous nous sommes promenés dans un champ de blés plus hauts que nous, peinant à distinguer le soleil des épis. Un instant, j’ai confondu ta nuque avec l’horizon, mais ce devait être la chaleur. Puis, comme elle était venue, l’enfant est repartie, laissant nos corps aux prises avec ce vide impossible à combler. Le temps était venu pour nos peaux de s’épouser après s’être frôlées, pour nos cheveux de s’emmêler après s’être effleurés. Il était temps d’aimer.