25 avril 2011

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Il mangeait en italien devant l'Adriatique céruléenne - pluie de lumière sous les paupières, confettis de joie sur les papilles, une joue bronzée tournée vers le clocher de pierre calcaire. La chanson éternelle de l'eau roulant sur le sable jouait au rythme des grillons frottant leurs ailes séchées par le sirocco roucoulant depuis l'Afrique. 

Une perfection s'additionna à l'ensemble idyllique : longue plante aquatique au regard vert, flottant sur le chemin descendant de l'église, une main caressant le parapet de pierre protégeant du précipice. Elle vint s'asseoir auprès de lui. Il s'allongea. Au bord de ses dents elle apportait l'eau dorée des raisins fermentés, délicate ivresse marine à bord de la barque chaloupée des hanches brunes d'une hellène altière. La tête posée sur l'origine du monde, les yeux levés vers l'astre de vie, son coeur accéléra pour rejoindre celui de l'apparition séraphique.

Que pouvaient-ils se dire ? Rien qui ne rompe l'envoûtement. Des sons chuchotés, des gourmandises littéraires, souffles lents au détour du cou. Silence somptueux dont le partage dépasse toute conversation. Lyrisme de la présence immobile, mirage d'éternité, songe éveillé. Très loin dans ses yeux on pouvait voir la couleur de galaxies lointaines ; auprès d'elle l'univers devenait sien. Sans un mot elle vint cueillir un baiser sur sa bouche : mentons effleurant le nez, monde renversé, fraîcheur des langues reposées. Lorsqu'elle se releva de quelques centimètres pour lui sourire, ses dents lui parurent aussi irrésistibles que des grains de maïs à la blancheur polaire. Il aurait voulu lui mordiller pour tenter de satisfaire son envie de cette partie d'elle. Mordre ses dents, lécher sa langue, embrasser sa bouche : prélude. Renaissance du désir. Besoin impérieux de la posséder. Assouvir l'envie, en redevenir l'esclave pour quelques heures.

Il prit sa main et se leva.