18 mars 2013

Divagations Marines


Je revois la baie de mon enfance. J'entends les moteurs de bateaux et d'avions qui ne font que tourner en rond, aller d'un point de la côte à un autre, sans empressement, sans partir, ronronnements calmes d'un été dont les limites s'évaporent sans qu'aucun nuage n'en résulte. Lorsque les traits blancs dans le ciel ne me serrent pas la gorge, que les ailleurs et les possibles m'indiffèrent, enfin je vis. 

Je sens la chaleur du vent sur la plage et sa fraîcheur une fois sur l'eau, naviguant en direction des Îles où l'on appareille à l'abri de deux côtes escarpées d'où s'échappent les cimes des pins. Où les journées s'écoulent dans une joie diffuse, lascive et discrète comme une ligne de basse dans une bossa nova. Où l'argent n'a plus aucune valeur devant cette bouteille perlant de fraîcheur qui verse un rosé clair comme du cristal, désaltérant une soif qui ne s'étanche pas, entre plongeons, chasses sous-marines et repos dans les bras du soleil, allongé sur le pont d'acrylique immaculé que balancent doucement les allées et venues de la mer du large à la baie, de la baie au large. 

En fin d'après-midi, le sel mordille le coin des yeux puis d'autres replis de la peau séchée par la sieste. On ouvre prudemment un oeil en remettant vite ses lunettes, et déjà un ami offre une immense bouteille d'eau pétillante dont les bulles offrent une seconde vie. On sent à nouveau l'iode dans l'air, puis l'odeur des aiguilles de pins grillées, et la délicieuse odeur de la peau bronzée en fin de journée, lorsqu'une nouvelle teinte s'est installée au creux de l'épiderme et que la mélanine semble dégager plus de chaleur et de parfums qu'un sac empli d'épices.

Le retour au port contient l'excitation d'une nuit inconnue, l'anticipation de la douche hydratante et le soulagement de savoir que demain, tout recommencera. 
Il existe pour chacun une possibilité de bonheur absolu ; la mienne se nomme "été".