21 juin 2006

Une fin sans sel

Lorsqu’une voix rauque donne envie de tout savoir d’une personne, que les notes s’accordent aux aléas de la pensée. Dans un moment suspendu, j’aspire l’air frais et humide. Je goûte les notes acres de la pluie récente, une chanson de Cat Power dans les écouteurs. Mes pas sont lents et légers, comme cette nuit qui s’avance. Je jette un œil à ma montre, pas d’affolement. Je croise les gens sans les voir, perdu dans la contemplation des mélodies souveraines de Chan Marshall. Enveloppé dans le son, je suis frappé par des évidences variées. Plus tôt, j’ai reçu un message de Claire me disant de ne pas l’attendre ce soir. Elle ne rentrerait pas, ni ce soir, ni les autres. Je pouvais comprendre qu’il n’y ait nul besoin d’expliquer : l’amour s’évanouit, c’est ainsi.

Alors j’ai traîné ma frimousse déconfite dehors. La nuit tombante, une éventuelle fête à quelques pas de chez moi, ingrédients suffisants pour surnager au milieu du cauchemar.

En arrivant dans l’appartement quasi désert, j’ai surpris une curieuse cérémonie sur le balcon. Un jeune homme en sous-pull noir portait un toast. Autour de lui, tels des apôtres, cinq personnes, garçons et filles. Il a levé son verre « au bonheur des amours disparues ». Et là, au milieu de cette fête morne, tandis que les lumières oranges des tubes d’acier éclairaient les yeux des filles et les dents des garçons souriants, j’ai vu un frère. Sublime enfant assoiffé d’absolu, sage centenaire détaché des passions. De son verre brillaient les reflets du vin aux bulles profanes. De ses yeux brillaient les idées épurées d’un prince de l’esthétisme.