23 août 2006

"Ouaip, mon général"

«Comme quoi les mots, hein les mots, les mots ça dit rien, mots dits, vous êtes maudits»

Le général n’était pas content. Il fallait le comprendre, le pauvre homme bégayait tout seul depuis 14 ans dans un hospice ensoleillé du mouroir à vieux (la Côte d’Azur).

« me foutre en asile de vieux, mais franchement, tu m’as regardé petit ? enfin c’est pas une fin ça, on n’a pas idée, un homme comme moi, oh c’est pas vrai »

Je savais pas quoi lui dire au général. Il avait sans doute raison, si ce n’est que lorsqu’on pisse dans son falsard quatre fois par jour faut pas s’étonner de plus être invité dans la famille.

« une génération de plus perdue dans le siphon, je vous regarde tourbillonner au fond de ma baignoire, parasites »

Il avait ses phases, papi. Oh, un vieux parmi d’autres. C’est un peu comme les bébés : ils se ressemblent tous. C’est curieux, on passe sa vie à essayer de se départir de la ressemblance de l’enfance pour finir tous identiques. Une démonstration de plus de la vanité de nos efforts, de l’inutilité de notre quête.

« je veux qu’on me foute la paix maintenant mon garçon, tu comprends ça toi, hein ? je t’ai pas connu beaucoup mais je te ressemblais pas mal quand j’avais ton âge »

Oui mon petit vieux, je comprends. Si on doit faire un léger bilan, je comprends un peu trop d’ailleurs. A force de jouer les ténébreux solitaires, j’en avais vu passer des amis. Généralement, je les voyais de dos. Ils partaient.

« de toute façon, on est seuls jusqu’au bout, faut pas croire que ça change avec l’âge, oh non »

Cet espoir-là de toute façon, je l’avais brûlé en même temps que les lettres d’amour de ma première déception. Je n’en doutais pas, la fin serait lugubre, chaotique, mais prévisible. Avec une paire de Ray-Ban sur les yeux. Frondeur et arrogant. Mes derniers mots ne seront pas plus tendres que les premiers.