14 août 2006

Esprit es-tu là?

Trois heures du matin dans la tête d’un trentenaire bourré : le vide. Vacuité explosée d’une vie inutile, réactions en chaîne pour chaîne en or sur chemise ouverte. Dans le cœur pur d’un arrangement de violons se trouve la négation absolue de l’existence des bœufs humains. Ils sont justes un peu plus vieux, on les voit bien avant cela, tout autour de nous. Comment être cohérent dans une existence qui apporte à la fois la finesse et le raffinement des mots et mélodies de Serge Gainsbourg, époque « Percussions », et l’ignorance crasse de pantins pathétiques condamnés à sortir jusqu’à leur mort dans des endroits aux relents d’agonie intellectuelle et de cigares d’apparat ?

Les heurts de la fumée de cigarette cabossent mon esprit attristé. Je devrais contacter Charlie Kaufmann pour écrire un scénario qui s’appellerait « Inadaptation ». Assez intelligent pour réprouver les comportements bestiaux, pas suffisamment pour ne pas se laisser atteindre. Assez intéressant pour garder un temps l’attention une fois découvert, pas assez pour parler avec sa famille ou avoir des amis plus de quelques mois. Assez sociable pour avoir envie de connaître d’autres personnes, pas assez pour rendre ce désir concret.

Quelque part au fond d’un piano-bar gît l’espoir « d’être à la hauteur ». Non, je ne cite pas Marc Lévy – quelle attaque facile. Là où la bêtise l’a emporté sur la lucidité, là où la fierté a laissé place à l’amertume, là où le beauf a vaincu l’auto-proclamé intellectuel (je n’assume pas ce titre que je me décerne ; on ne peut pas toujours être cohérent dans ce monde, voir paragraphe précédent), là j’ai renoncé une fois de plus à un morceau de moi. Sur le carreau, un bout de chair sanguinolente. Dans un regard, une cicatrice à ajouter aux stries de l’iris irisé. Sous une peau frissonnante, les battements de cœur fébriles des certitudes ébranlées. Prendre conscience du basculement possible, à portée de main, peur intangible accrochée à mes rêves. L’esprit est parti en voyage, laissant ses conséquences dans l’urgence. Banale histoire de fantômes d'une jeunesse disparue dans les volutes et les vomis d'années entières irréfléchies.

Cessons de brosser le tableau noir,
la craie indélébile gâche mes efforts volubiles.