26 octobre 2006

Rayons X

Difficile de faire mieux qu’un retour de soirée.
étudiant, tu traînes dans un semi coma éthylique pendant 3 ans, les filles ont encore toutes des corps fermes (et peu sont fermés), tu les regarde engorger toutes les rues, au début sans trop y croire, ensuite sans trop y toucher, et puis au final tu entres dans ces bouches ces culs ce monde, les retours de soirées sont peuplés de gens si formidables que tu les trouve « formidaux », la vie est large, dégagée et sans conséquences pour 1000 nuits sans prix dont la valeur ne te frappera qu’une fois entré dans la réalité, si éloignée de l’idée que tu t’en faisais. Elevé à penser que la liberté s’acquiert avec l’âge, tu prends une claque monstrueuse en réalisant que l’avant-goût de bonheur humé durant ta vie étudiante représente ce que tu n’auras jamais plus.

Le métro a des airs de communauté hippie avec ces wagons de sup de co venant d’Assas, ces HEC en 3ème cycle à Dauphine, ces diplômés de lettre en stage dans la multinationale familiale. On te raconte que l’aristocratie est morte mais la voici devant tes yeux s’ébattant joyeusement, de tapes dans le dos en mains dans le string, tout un petit monde qui fricotte, s’encule et se congratule pour le bien de l’avenir des privilèges hérités. L’avantage : ces gens ne sont pas agressifs, tout juste méprisants, et encore, puisqu’il n’est nul besoin d’en rajouter lorsque le pouvoir est si désespérément collé à un seul côté de la barrière.
Ta part du gâteau te permet de rencontrer des célébrités éphémères et autres gloires du passé, accrochés aux regards admiratifs des « anonymes », abus de langage symptomatique d’une époque où le commun des mortels se voit déposséder de son identité, négligeable variable d’une équation impitoyable. Tu navigues entre les flots de bulles jaunes, le coeur lourd de foie gras, en t'associant bien volontiers aux êtres dont l'existence se résume en quelques lignes dans les journaux qui tâchent les doigts.
Curieusement, et l’alcool peut-il en être le seul responsable, ta révolte ne dépasse pas le cadre horaire mensuel habituel. Tes prises de conscience sont rarement très espacées, mais finalement assez contenues et brèves. Tu regardes donc d’un air attendri les passagers de ce métro qui t’emmène peut-être pour la dernière fois vers les mêmes quartiers que ces futurs banquiers d’affaires, avocats d’affaires, créateurs d’affaires, bref, ceux qui ont à faire. Sans amertume, parce qu’il se peut que tu sois encore dans le même train qu’eux…