16 octobre 2006

Etre sans lyrisme passe ton chemin

J’ai un truc avec le ciel. J’ignore pourquoi, mais mon humeur est connectée à l’air descendant de la grande ombrelle. Quand je marche dans la rue, les yeux rivés sur l’azur souriant, quelque chose se diffuse dans mon sang ; une substance qui me fait sourire, une énergie diffuse provenant de l’intérieur de ma rétine. Ce type de sensation toujours renouvelée, comme si c’était la première et la dernière fois que je verrai ce bleu-là. Je suis dans mon état optimal : heureux et doucement mélancolique.

Dans ces moments-là, je voudrais rester des années entières allongé au soleil. Une sieste infinie, me poser comme un gros chat, les yeux mi-clos, ronronnant, les rayons sur le dos et les flancs. Me déplacer avec souplesse, sans un bruit, voir les passants sans être vus, ou si rarement.

La lumière nourrit le vide froid en moi. Elle me donne envie de peau hâlée, d’être loin, d’être seul ou finement accompagné, de vivre une journée qui se répète à l’infini, d’eau, de sable, d’arbres. De naturel. De liberté, vivre sans montre, sans objectif, sans idées. Une vie entière à compter les grains de sable égarés sur le dos d’une fille aussi grande que l’inconnu, qui s’étire comme une enfant au réveil. Voir dans ses yeux le reflet d’une sensation, écouter sa voix comme si elle s’arrachait aux flots turquoises mélodiques. Des vagues douces comme les accords de Ben Kweller, des airs d’opéra dans la tête, des paillettes de couleurs vives quand on ouvre les yeux.

Passer une journée à suivre les vaisseaux sanguins de l'œil rendus transparents par le soleil. Gorger son être de la lumière rouge profonde qui rappelle celle de la mère, il a y longtemps. On pourrait se réciter des vers de Valéry Larbaud, ou de Baudelaire, de poètes ayant connu l’insoutenable beauté du non-être, qui fusionnèrent avec la terre et devinrent les pays qu’ils regardaient. Contemplant du haut des siècles de la colline du Parthénon un paysage vierge d’explication, leur langue s’éloigna de l’humain pour entrer dans les fondements du vivant aussi bien que de l’inanimé.

Les inimités se nourrissent des nuages qui brutalisent nos villes sans pardons. Sous la voûte dégagée, les âmes s’envolent avec légèreté.
Sans efforts, la vie me va mieux.