4 juillet 2006

Départ

Le froid s’abat sur les visages. Il durcit les regards. Les dernières feuilles de l’automne viennent s’échouer sur le sol humide. Le long des avenues, les voitures éclairent des passants absorbés. Marchant depuis la place de l’Opéra, un homme consulte sa montre, puis son téléphone portable. Il se rend à la gare. Dans quelques heures, il sera de retour dans sa ville de naissance.

Arrivé à la première bouche de métro, il entrouvre sa veste pour chercher son ticket. Son regard croise celui d’un vampire aux traits creusés, le dos légèrement voûté. Celui-ci se déplace en flottant, de l’acier dans les yeux. Absorbés par un halo d’obscurité, ses globes dévorent la lumière. Il remplace la foule l’espace d’un battement de cils. Puis Hugo réalise qu’il observe son reflet dans un miroir depuis trente secondes. Décidément, il est temps d’aller dormir au creux d’une épaule.

Son chemin rejoint celui de la station principale de la ville. Dans le tumulte des torrents humains, un sentiment d’anonymat lui glace le sang. Chez lui au cœur de cet absurde cohue, il se laisse envahir par l’absence de caractères exceptionnels. Des gens sans histoires. Heureux de partir en vacances, d’abandonner une routine pour une autre. Aucun ne s’interroge sur le sens de sa vie, ou tout bonnement sur la satisfaction réelle d’avancer ainsi dans le temps. En même temps, voici sans doute ce qui tient les régimes démocratiques en place. Si le peuple commençait à « se poser des questions »… On aurait simplement une révolution.

Hugo s’installe au fond de son siège, côté couloir. Il dispose à présent de 3 heures avant d’arriver à destination. C’est plus qu’il n’en faut pour parcourir ses 5 dernières années.